L'art contemporain se cache parfois au détour d'un immeuble. Ainsi, la piscine Château-Landon dans le 10e arrondissement de Paris abrite une fresque de l'artiste Agathon (qui a obtenu une certaine notoriété après avoir illustré le Journal d'hirondelle d'Amélie Nothomb.
Puis nous terminons dans la flore maritime. Sol, faune, flore, un parcours en trois dimensions à travers la mer. L'argument de l'artiste inscrit sur le cartel tient en peu de mots : "Pour elle, pour lui, pour nous ... pour l'eau". Toujours est-il que ce genre d'oeuvres contemporaines dans l'espace public change du sempiternel street-art dévoyé par une sur-sollicitation du pouvoir politique qui cherche à être original en étant finalement très convenu. Une autre forme donc que le graffiti urbain (qui est parfois très réussi) qui correspond bien à ce petit mur menant à la piscine Château-Landon et qui est accessible à tous gratuitement.
Une chose m'attire particulièrement dans l'oeuvre de Michel Houellebecq, c'est le regard qu'il porte sur le monde. Regard cru, désabusé, neutre. L'exposition "Rester vivant" présentée au Palais de Tokyo nous propose de découvrir le Houellebecq photographe, dessinateur, mais toujours écrivain et poète, les mots étant omniprésents dans ses oeuvres. De nombreux artistes ont navigué entre plusieurs arts, et bien qu'on sente que l'écrivain ait souvent besoin des mots à l'intérieur de ses oeuvres, cette exposition (très inspirée de La possibilité d'une île et de La carte et le territoire) découpée en plusieurs salles thématiques est un condensé de l'oeuvre littéraire de Michel Houellebecq, .
Dans une pièce au look années 70 meublées de canapés marrons et blancs, sur un petit meuble, est posé une télévision diffusant une ancienne interview de Michel Houellebecq où il livre peut-être la clef principale de son style. Adolescent, il aimait à se poser à un endroit et à garder les yeux absolument immobiles et ouverts. "Tout ce qui traversait mon chant de vision était vu par moi avec neutralité" dit-il, précisant que c'est ce qui peut le mieux caractériser son style.
Michel HOUELLEBECQ, Mission #001
(source : François Frémeau, licence CC BY-SA 4.0)
Il y a bien sûr un romantisme nostalgique dans l'oeuvre de l'écrivain, dans ses romans, comme dans ses photographies. Parlant de l'écrivain Jean-Louis Curtis dans La carte et le territoire, il écrit : "Il y a une vraie nostalgie, une sensation de perte dans le passage de la France traditionnelle au monde moderne. [...] C'est bien à tort au fond qu'on a catalogué Jean-Louis Curtis comme réactionnaire, c'est juste un bon auteur un peu triste, persuadé que l'humanité ne peut gère changer, dans un sens comme dans l'autre." [1] On peut ici faire un parallèle avec la pensée de Houellebecq lui-même qui offre dans cet exposition comme dans ses livres un questionnement sur la politique de la Cité, la mort, le territoire, l'Homme, les passions, l'attachement. Pour Michel Houellebecq, faire des photos, c'est une manière d'ordonner le monde.
Les parties les moins convaincantes sont la plupart des vidéos, trop courtes, pas assez bien intégrées à l'exposition. Une seule exception, le diaporama captivant et hypnotique de son chien Clément décédé et qui clos l'exposition dans un moment assez rare où on voit apparaître un autre Michel Houellebecq. Ces photos sont diffusées en superposition avec A machine for loving d'Iggy Pop sur un texte (traduit en anglais) provenant de La possibilité d'une île.
Quelques autres artistes sont invités, comme Robert Combas qui a mis notamment en peinture de nombreux poèmes de Houellebecq. Une explosion de couleur qui suit la salle dédiée au voyage et à l'optimisme.
Robert COMBAS, Michel Houellebecq et son chien (et ami) Clément, technique mixte sur papier marouflé sur toile, 2016 (source : François Frémeau, licence CC BY-SA 4.0)
Car "Rester vivant" n'est pas une exposition déprimante, morbide ou terne, mais bien au contraire un violent face à face avec notre monde, ce que nous en avons fait, que cela nous plaise ou non. Une vision crue, neutre, souvent touchante, entre l'Homme et le monde qu'il façonne dans ce nouvel âge de l'Anthropocène.
Michel HOUELLEBECQ, Espagne #015 (source : François Frémeau, licence CC BY-SA 4.0)
On pourrait finalement relier cette exposition à la citation de Neil Young dans Extension du domaine de la lutte :
"Good times are coming I hear it everywhere I go Good times are coming But they're sure coming slow." [2]
Une très belle critique de l'exposition est proposée par Marc Michiels sur Le Mot et La Chose.
[1] Michel HOUELLEBECQ, La carte et le territoire, Paris, Flammarion, 2010, pp. 164-165
[2] Michel HOUELLEBECQ, Extension du domaine de la lutte, Paris, Éditions Maurice Nadeau, 1994 , p. 26
Réalisée en 2009, formée de deux blocs de marbre, "Formes doubles" nous montre deux formes ondulées en marbre, posées sur une plaque de marbre et soutenu par un bloc de bois. Cette sculpture est comme un petit trésor caché dans une cour intérieure de la Maison de la Norvège à la Cité Universitaire de Paris.
On ne trouve pas grand chose sur internet sur l'artiste norvégien Alfred Vaagsvold. Le site TGC Nordica reprend justement une interview de 2009 où il parle d'une exposition à la Maison de la Norvège à Paris où il a exposé des sculptures et des peintures. Il déclare : "Mes installations sont toutes des actions et des réactions liées à ce qui se passe dans la société. Les sculptures sont des études et de nouvelles créations de formes. Elles sont influencées par cette déclaration d'Hans Arp : ''Nous ne souhaitons pas imiter la nature, nous ne souhaitons pas reproduire, nous voulons produire ... Nous voulons produire directement, pas indirectement. Puisqu'il n'y a pas de trace d'abstraction dans cet art, nous l'appelons art concret''".
"Ce n'est pas vraiment beau, [...] mais parfaitement en situation avec les immeubles modernes au loin et, plus largement, l'atmosphère du quartier." [1] Je suis assez d'accord avec ce commentaire d'un passant recueilli dans un article de La Croix concernant cette exposition d'oeuvres gonflables à La Villette à Paris.
L'artiste autrichien Stefan Sagmeister est plus dans le domaine de l'humour que dans la provocation gonflable de McCarthy place Vendôme avec son désormais célèbre plug vert. Néanmoins, ses réalisations sont également gonflables, et depuis l'expérience parisienne de McCarthy, des gardes sont situés à côté de ces dernières, probablement pour éviter que des gens essayent de les dégonfler ou de les vandaliser.
Le cartel de cette oeuvre nous indique que l'artiste est "une figure marquante du design et du graphisme de ce début de XXième siècle" [sic !] Il précise également que quatre singes en colère sont disséminés dans le parc de la Villette, portant chacun une partie du message : "Everybody always think that they are right." Je n'ai pas vraiment compris pourquoi des singes. Je n'ai pas vraiment compris qu'ils étaient en colère avant que le cartel ne me l'explique. En revanche, le côté chasse aux singes m'a amusé.
Je suis donc parti explorer un parc que je côtoie depuis des années à la recherche de ces singes gonflables. Et j'ai eu l'occasion de découvrir cet espace immense, résolument contemporain, magnifiquement aménagé avec des centaines de petits coins semblables à des salons où on peut se poser pour lire, rêver, manger, etc...
Je n'ai pas trouvé le cinquième singe, mais ils auront au moins eu le mérite de me faire visiter ce parc très beau que je ne connaissais finalement pas. Pour l'oeuvre en elle-même, ce n'est pas parce qu'on utilise un procédé à la mode (les matériaux gonflables) qu'une oeuvre en devient "de facto" intéressante. Je trouve que ces singes n'ont pas grand chose à nous dire.
"L'Air des Géants"
Parc de la Villette, Paris
Jusqu'au 13 septembre
Tous les jours de 11h à 20h30
Entrée libre
Mon avis : 2/5
***
[1] Emmanuelle GIULIANI, "L'art en taille XXL" in La Croix, n° 40281, 5 et 6 septembre 2015, p. 22
La figure de Saint Sébastien a été traitée à nombreuses reprises à travers l'histoire de l'art. On a pu en voir un très bel exemple par le peintre italien du XVIIe siècle Antonio de Bellis, exposé lors de l'exposition "Sade. Attaquer le soleil" au Musée d'Orsay à Paris.
Antonio de BELLIS, Saint Sébastien évanoui, 1630-1640 (source : domaine public, via Wikimedia Commons)
On représente traditionnellement ce saint dans la posture où il trouva la mort : attaché à un poteau et le corps transpercé de flèches. À partir du milieu du XIXe siècle, Saint Sébastien devient une iconographie homosexuelle, que ce soit en peinture, ou dans la photographie, comme dans ce Saint Sébastien de Fred Holland Day.
Fred Holland DAY, Saint Sebastian, 1906 (source : domaine public, via Wikimedia Commons)
L'exposition dont nous allons parler a été organisée par la mairie du 10e arrondissement de Paris et se tient jusqu'au 10 janvier. Elle a l'avantage d'être gratuite. Elle est réalisée par le photographe Robin, connu pour photographier le monde de la musique pop. Voici ce que nous dit l'artiste de son travail dans le texte de présentation de l'exposition : "Saint Sébastien se trouve naturellement être l'un des personnages les plus emblématiques pour sensibiliser le regard au corps. [...] Sujet profane et sacré à la fois, saint Sébastien mêle la fragilité à la beauté du corps, capable de résister aux pires atteintes. Or les fléaux les plus divers continuent de hanter notre quotidien. Peste hier ou sida aujourd'hui [...]. " Qu'en est-il de cette exposition ?
L'exposition "Saint Sébastien, le corps triomphant" de Robin à la Mairie du 10e arrondissement de Paris (source : François Frémeau, licence CC BY-SA 3.0 FR)
Située dans le hall de la mairie du 10e arrondissement de Paris, l'exposition qui compte une trentaine de photographies est inégale en qualité. Tout d'abord, l'éclairage rendant les photographies brillantes (d'autant qu'une partie est recouverte d'une vitre) rend la visibilité parfois difficile. Comme le dit très justement le texte d'introduction, la figure de Saint Sébastien, par son histoire religieuse et son appropriation par la communauté gay est à la fois un sujet religieux et profane. Or ici, nous passons "d'à la fois" à "alternativement". Certaines photographies sont magnifiques, notamment les comparaisons avec des photographies de statues représentant le saint.
L'exposition "Saint Sébastien, le corps triomphant" de Robin à la Mairie du 10e arrondissement de Paris (source : François Frémeau, licence CC BY-SA 3.0 FR)
D'autres fois, l'image va être extrêmement banale et homoérotisée à outrance. Même si le photographe fait le choix de ne pas systématiquement représenter le saint avec des plaies évoquant les flèches pour faire un parallèle avec le sida, maladie invisible, certaines photographies feraient certes de très belles couvertures de magasine, mais sont tout à fait à côté du sujet (mais pas à côté du titre de l'exposition, car alors c'est le corps qui triomphe, et non la figure de saint Sébastien). Là où il est le plus pertinent, c'est finalement quand Robin s'appuie sur l'iconographie qui l'a précédée et qu'il se la réappproprie avec la photographie. Le parallèle est intéressant.
Je ne suis pas spécialiste de la photographie contemporaine, mais voici mon avis sur cet exposition. Si vous voulez vous faire le vôtre, rendez-vous à la mairie du 10e arrondissement avant le 10 janvier 2015.
Lorsqu'on aime la musique et qu'on vit à Paris, on peut regretter le petit drame actuel qui agite le monde musical : l'arrêt de la musique classique à la Salle Pleyel. Pour y avoir joué de nombreuses fois et malgré une acoustique loin d'être parfaite, on peut regretter qu'une salle proposant une programmation musicale de premier plan soit contrainte à changer radicalement de répertoire.
Salle de spectacles Pleyel, Paris (France)
(source : Pline, licence CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons)
Le motif de cet arrêt ? Une nouvelle salle de concert exclusivement dédiée au concert symphonique est en construction dans l'Est de Paris. Et pour faire venir le public aisé de l'Ouest parisien vers le XIXe arrondissement, il fallait un geste fort. La Cité de la Musique qui est l'administrateur de la Salle Pleyel a décidé de tenter de faire migrer le public par le manque. Voici l'argument que développe Laurent Bayle, président de la Philharmonie de Paris : "Avant l'inauguration de la Philharmonie, l'offre de grands concert "classiques" était de fait concentrée dans l'Ouest parisien, principalement à la Salle Pleyel et au Théâtre des Champs-Élysées. Aucune de ces deux lieux - dont le prestige n'est pas en cause ici - ne constitue une référence sur le plan de l'acoustique pour le répertoire symphonique. Au manque de volume s'ajoute le fait que les orchestre n'y préparent pas leurs concerts dans des conditions satisfaisantes, en raison de l'absence de salles de répétitions. [...] Enfin, la jauge limitée occasionne des prix de places trop élevés. Sans oublier que le déséquilibre en faveur de l'Ouest parisien risquait de s'accroître avec l'ouverture prochaine de l'auditorium de Radio France et de celui de l'Île Seguin."
L'argument ne tient pas. En effet, lorsqu'on a construit l'Opéra Bastille, dans l'Est de Paris, le public n'a pas quitté les deux salles précédemment nommées. Pour autant, si on peut regretter qu'une salle mythique se ferme à la musique classique (ce qui est en soi une régression), il ne faut pas oublier l'immense apport que constitue la Philharmonie dans le domaine musical parisien.
Un projet architectural mené par Jean Nouvel avec le premier grand bâtiment construit dans la capitale française en ce début de siècle. Une salle de concert promettant des prix bas, une visibilité toujours bonne (avec un public tout autour de la scène), des salles dédiés à la médiation culturelle et à la pédagogie. La Philharmonie marque aussi, avec le nouvel auditorium de Radio France, le retour des orgues dans les salles de concerts (elles avaient toutes disparues des salles parisiennes) avec la création d'un instrument monumental.
Le fait que l'État et la Ville de Paris décident, en ces temps de disette budgétaire, de faire un geste fort en direction de la musique (et particulièrement de la musique classique) doit être souligné. Je pense que malgré la tristesse de ne plus entendre de concert symphonique à la Salle Pleyel, il faut se réjouir de ce magnifique projet qui rééquilibre l'offre musicale sur le territoire parisien et offre à la ville une salle de concert de dimension internationale à même d'attirer les plus prestigieux orchestres. L'ouverture de la Philharmonie de Paris est prévue pour le 14 janvier 2015.